Dans la nuit du 16 au 17 octobre 2017, Airbus a annoncé qu’il venait d’acquérir la majorité du capital de la société qui construit et vend l’avion C-Series de Bombardier.

Avec la prise de contrôle du programme C-Series de Bombardier, Airbus va devenir le nouveau poids-lourd sur le segment de marché des 100 à 150 sièges qu’il a tenté d’approcher sans réussite avec l’A318 et l’A319. © Bombardier

On annonçait un ouragan de force 5 et c’est l’été indien. Dans le collimateur de la justice depuis plusieurs mois, Airbus, soupçonné de corruption, s’apprêtait à affronter un tsunami médiatique le week-end dernier. Tom Enders, le PDG du groupe Airbus, qui ces derniers mois avait fait le ménage à la tête du groupe, avait préparé ses salariés, en leur adressant, à chacun, en fin de semaine dernière un message : ce serait dur, mais ensemble, ils s’en sortiraient. La presse estimait l’amende encourue à plusieurs milliards d’euros. Boeing se frottait les mains.

Enders à la manoeuvre

Tom Enders a désamorcé le déchainement médiatique attendu en accordant une longue interview au quotidien le Monde (13 octobre 2017). Pendant tout ce temps, il préparait un coup magistral. Rien n’a fuité jusqu’à l’annonce de la tenue d’une conférence de presse, le mardi 17 octobre 2017, à 0h30, heure de Paris, (lundi 16, à 18h30, heure de Toronto), par Tom Enders et Alain Bellemare, respectivement PDG d’Airbus et de Bombardier. Boeing tousse.

Le constructeur américain pensait sans doute qu’il avait porté un coup sévère à son concurrent canadien, en obtenant du département du Commerce américain, une décision qu’il lui fermerait l’accès aux USA, en attendant, pour 2018, une condamnation de la Commission du commerce international des Etats-Unis pour concurrence déloyale. Ce sont, là aussi, des milliards de dollars en jeu.

Nouvelle donne

Avec l’annonce faite conjointement par Tom Enders et Alain Bellemare, la nuit dernière, les cartes sont rebattues. Concrètement, Airbus acquiert 50,01% du capital de la société C Series Aircraft Limited Partnership (CSALP) qui développe et produit la famille du biréacteur C-Series. Le reste est détenu à hauteur de 31% par Bombardier et 19% par la province du Québec, qui a apporté un milliard de dollars en octobre 2015, à son constructeur au bord du dépôt de bilan.

Airbus fait entrer dans son catalogue un nouveau produit qui va lui permettre de peser sur le segment de marché des monocouloirs de 100 à 150 sièges. Le marché est estimé à plus de 6.000 avions sur les 20 ans à venir. Et même si la concurrence est multiple, le constructeur européen à une longueur d’avance sur tous, à l’exception d’Embraer.

Reprise en main de l’outil industriel

Airbus a d’ores et déjà annoncé qu’il allait renforcer l’organisation industrielle du programme C-Series. Les avions sont actuellement assemblés au Canada à partir d’éléments produits au Canada, mais aussi en Grande-Bretagne et en Chine. Une deuxième unité d’assemblage final va être implantée aux USA, à Mobile, où Airbus assemble déjà des A320 et aménage des A330.

Le programme C-Series va aussi bénéficier de la force de frappe commercial d’Airbus, et cela devrait lui ouvrir de nouveaux marchés. C’est une urgence. Depuis l’entrée en service du premier CS-100 sous les couleurs de Swiss en juillet 2016, Bombardier n’a livré que 16 avions à Swiss et à Air Baltic. Au salon du Bourget, il n’a pas été en mesure de signer le moindre contrat.

En 2015, le canadien a appelé à son aide Airbus. L’européen après étude s’était défaussé. Le moment n’était pas encore venu. Cette fois est la bonne. Airbus sauve Bombardier et se renforce face à Boeing.

Gil Roy

Source : Aerobuzz