La centrale n’a pas réussi à mobiliser contre la réforme du Code du travail jeudi. Un échec qui l’affaiblit singulièrement à quatre jours d’une nouvelle intersyndicale.

Même les casseurs ont boudé à Paris la manifestation de la CGT contre la réforme du Code du travail… S’il a été exempt d’incidents, le défilé n’a réuni que 5.500 personnes selon la police. C’est quatre fois moins que le  12 septembre, et trois fois moins que le 21. L’estimation de la centrale de 25.000 manifestants – dont l’exagération sautait aux yeux ce jeudi – donnait une chute un peu moins forte, mais tout de même une division par deux à trois.

Philippe Martinez avait choisi de filer à Marseille. L’occasion au passage pour le syndicaliste « déterminé à aller jusqu’au bout » de marquer son intérêt pour ses troupes, particulièrement remuantes dans la cité phocéenne. Cela a donné une belle photo de nature à plaire aux militants de base vent debout contre Emmanuel Macron. Mais cela ne peut effacer l’échec de cette journée de contestation en solo (seul Solidaires s’y était joint), signe d’une « fuite en avant incompréhensible » de la centrale, pour le politologue Jean-Marie Pernot, interviewé dans « Le Monde ».

La CGT, qui a perdu la première place dans le secteur privé lors des élections de représentativité de mars 2017, a choisi d’offrir ce jeudi sur un plateau à l’exécutif une belle preuve de faiblesse. Au grand dam d’une partie de ses troupes. Mais le climat est tel en interne que personne n’ose le dire tout haut. Elle a en outre cassé la dynamique qui avait conduit nombre de militants FO, et même quelques adhérents à la CFDT, à se joindre à la contestation.

Cet échec est tout sauf une surprise. Si l’on ajoute la manifestation des fonctionnaires du  10 octobre aux 12 et 21 septembre, c’est la troisième fois depuis la rentrée que ses militants sont appelés à faire grève et défiler et perdre du salaire au passage. Sauf pour les permanents de la CGT et les retraités, qui ont constitué le gros des manifestants ce jeudi à Paris.

Beaucoup se demandent ce qu’a cherché la centrale en appelant à cette troisième mobilisation à l’issue de la première réunion intersyndicale sur une initiative commune contre les ordonnances. C’était le 9 octobre et, puissance invitante, la CGT a proposé à l’issue de la rencontre un texte dont l’objectif n’était absolument pas d’obtenir un accord le plus large possible. Seul blanc laissé : la date de mobilisation ; alors même que l’exercice exigeait doigté et diplomatie entre une CFDT freinant des quatre fers et FO comme la CGC ayant mandat pour organiser une mobilisation mais en prenant son temps.

Reste à savoir si c’est parce que la CGT ne croyait pas en la possibilité d’élargir la mobilisation contre les ordonnances alors même que pour la première fois depuis dix ans, ses fédérations de la fonction publique ont réussi à organiser avec les 8 autres syndicats de fonctionnaires une mobilisation commune. Ou bien parce qu’elle n’en veut pas…

Philippe Martinez a refait l’unité de la CGT, après le scandale de son prédécesseur, Thierry Lepaon, démissionné à cause de son train de vie, sur le dos de la CFDT, huée comme jamais. Et cette haine ne s’est pas calmée vis-à-vis de celle qui vient de passer première organisation dans le secteur privé, avec le conflit sur la loi travail, entretenue par le leader cégétiste dans une démarche de recentrage identitaire.

Une nouvelle réunion intersyndicale a été programmée le 24 octobre. « Notre point de faiblesse, aujourd’hui, ce sont les relations entre la CGT et la CFDT. Sont-elles capables de s’afficher ensemble ? », s’interroge un syndicaliste. Cette fois-ci, chacun va venir avec ses propositions et la centrale de Philippe Martinez n’aura pas les moyens de donner le « la » compte tenu de sa contre-performance de ce jeudi.

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