Tom Enders, président exécutif d’Airbus (au premier plan) et Fabrice Brégier, directeur exécutif du groupe, travaillent ensemble depuis plus de dix ans. – Reuters

Le numéro deux d’Airbus, Fabrice Brégier, serait sur le départ, tandis que le président exécutif, Tom Enders, va renoncer à un troisième mandat.

Chez Airbus, une crise peut en cacher une autre. Alors que le groupe d’aéronautique est secoué depuis plusieurs mois par l’enquête en cours sur de possibles faits de corruption, l’affaire se double désormais d’une guerre des chefs entre  le président exécutif, Tom Enders , et  le directeur général, Fabrice Brégier . Et si le départ de Tom Enders a été plus d’une fois évoqué dans les médias, c’est finalement Fabrice Brégier qui pourrait, le premier, faire les frais de l’affaire, selon nos informations, et quitter le groupe au début de l’année prochaine.

Le sujet sera certainement abordé lors du conseil d’administration d’Airbus, prévu ce jeudi, même s’il semble peu probable qu’une annonce intervienne à l’issue du conseil. Les administrateurs d’Airbus seraient encore partagés sur la marche à suivre et pourraient préférer temporiser, afin de ne pas ajouter la crise à la crise et de laisser le temps à Fabrice Brégier de prendre lui-même la décision de partir. Mais, selon les uns, la décision aurait déjà été prise par les administrateurs d’Airbus, dans le cadre d’un renouvellement par étapes du « top management » qui inclurait, à terme, Tom Enders lui-même, ainsi que d’autres hauts responsables du groupe.

Des « irrégularités » sur des ventes d’avions civils

Jusqu’à présent, le directeur exécutif d’Airbus et président d’Airbus Commercial Aircraft était resté à l’écart des turbulences. Les « irrégularités », découvertes lors d’un audit interne et portées à la connaissance de la justice, porteraient en effet toutes sur des ventes d’avions civiles gérées depuis Paris par un ancien service marketing du groupe aujourd’hui dissous, sous la responsabilité de Marwan Lahoud, l’ancien directeur de la stratégie et du marketing du groupe EADS parti en février dernier. Or, ce dernier reportait directement à Tom Enders. Mais cette affaire aurait achevé de détériorer des relations déjà difficiles avec Tom Enders, qui n’aurait pas apprécié le manque de soutien public de son numéro deux dans cette affaire, soupçonné d’avoir voulu profiter de ses difficultés.

Un gage de bonne volonté

Cependant, au-delà d’un éventuel règlement de compte, le départ de Fabrice Brégier serait surtout une façon pour le patron et les administrateurs d’Airbus de donner des gages aux magistrats du parquet national et du Serious Fraud Office britannique, de la bonne volonté du groupe de solder les erreurs, conformément à la procédure d’autodénonciation choisie par Airbus. Ceci afin de susciter l’indulgence des juges et de réduire  le montant final de l’amende , qui peut atteindre jusqu’à 30 % du chiffre d’affaires.

Dans ce scénario, Tom Enders annoncera sa décision de ne pas briguer un troisième mandat d’ici à l’assemblée générale des actionnaires, probablement lors du conseil prévu en février. Il pourrait même décider de partir un peu avant la fin de son mandat, prévue en mai 2019, après avoir suffisamment avancé ce que certains appellent le « grand ménage » au sein d’Airbus. Ce qui laisserait au conseil d’administration le temps de lui trouver un successeur. La France et l’Allemagne ont convenu qu’il céderait sa place à un Français, Fabrice Brégier étant lui remplacé par un Allemand. Dans ce schéma, le prochain président du conseil d’administration sera aussi allemand.

Le conseil d’administration aux commandes

Contacté par téléphone, l’actuel président du conseil Denis Ranque se refuse à un quelconque commentaire. « Le board ne communique pas. Son agenda, son calendrier, ses délibérations sont secrètes, mais cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas actifs, souligne-t-il. C’est avec le plein soutien du board que le management s’est engagé dans cette procédure d’enquêtes internes et de déclaration volontaire aux autorités. […]  C’est également à l’initiative du board qu’a été mis en place un comité d’éthique qui se réunit chaque mois pour suivre cette procédure. » Un comité auquel rend compte directement John Harrison, le responsable de l’enquête interne.

Malgré les tensions internes, « l’entreprise continue de fonctionner et reste attractive », estime Denis Ranque, qui en veut pour preuve l’accord conclu avec Bombardier et le recrutement d’Eric Schulz, le patron de la branche moteurs civils de Rolls-Royce pour succéder au légendaire vendeur d’Airbus, John Leahy. Quant aux rumeurs concernant les nombreux candidats à la succession de Fabrice Brégier et Tom Enders, elle ne diraient rien des intentions du board. «Nous faisons chaque année une revue de succession pour tous les membres du comex », assure Denis Ranque. Mais cette fois-ci, c’est sérieux.

Bruno Trévidic

Source : LesEchos.fr