Emirates et Airbus ont finalement réussi à trouver un terrain d’entente autour de l’A380. De toute façon, la compagnie aérienne et le constructeur européen étaient condamnés à trouver une solution sous peine de passer le très gros porteur par pertes et profits.

Avec d’ores et déjà 142 exemplaires commandés par vagues successives, Emirates a fait de l’A380 l’outil de sa phénoménale croissance depuis le milieu des années 2000. Toute la stratégie commerciale et aéroportuaire a été bâtie autour de cet avion dont la capacité unique en son genre a permis de jouer sur les volumes pour compenser une recette unitaire de conquête de marchés. Un avion qui a aussi permis à la compagnie aérienne d’introduire plusieurs ruptures en termes de services aux passagers. Pas le concept de la Suite, puisque Singapore Airlines lui a grillé la politesse en dévoilant sa propre formule dès 2007, mais avec l’introduction d’une douche pour les passagers de la première classe. Par contre, Emirates introduit un véritable bar-lounge pour ses passagers de classe affaire. La formule vient d’être revue et sera progressivement introduite en fonction des grandes visites de ses A380.

Le bar conserve la forme du fer à cheval, mais le lounge devient beaucoup plus convivial que l’actuel, avec des places assises dans une nouvelle disposition, le long des hublots, de part et d’autre du bar. Ii pourra accueillir un total de 26 passagers dont huit en places assises. Sans oublier un service de divertissement audio-vidéo dans lequel Emirates aura investi pas moins de 1 Md pour lui apporter des améliorations permanentes : une offre de films croissante et de plus en plus diversifiée en fonction des différentes clientèles du transporteur, des écrans individuels qui n’ont cessé de grandir. Ceux de la première classe sont ainsi passés de 27 à 32 pouces, de 17 à 20 pouces pour la classe affaires et de 10 à 13,3 pouces pour la classe économie. Se sont ajoutés des ports USB dans toutes les classes et une connexion Wi-Fi permettant l’accès à 20 Mo de données. Enfin, l’aéroport de Dubaï est le seul au monde à disposer d’un terminal entièrement dédié à l’A380. D’une capacité de 15 à 20 millions de passagers, il a été spécialement conçu pour s’adapter au mieux à une exploitation optimisée de l’A380. La taille et la surface utiles du bâtiment sont à la mesure du très gros-porteur : près de 530000 m2 répartis sur une longueur de 645 ni et une largeur de 91 ni. Sur ce total, près de 40 000 m2 sont dédiés aux salons première et affaires. A chaque classe son étage. Chaque salon occupe l’intégralité de la longueur du hall. Ce qui dorme un peu plus de 16 000 m2 au seul salon dédié aux passagers de la classe affaires. Une surface qui donne une intimité assurée et permet d’offrir la palette de services (restauration, zones de repos, espaces fumeurs, douches…). Chaque étage a sa banque d’enregistrement et le passager rejoint par ascenseur sa passerelle d’embarquement. Elles sont au nombre de trois. Ce qui permet de fluidifier la gestion des passagers. A lui seul, ce terminal dédié à l’A380 représente un investissement de 2,8 Md. Bref, Emirates a bâti autour du très gros-porteur une véritable « machine de guerre » qui a fait du mal aux transporteurs européens et asiatiques.

Les 36 appareils supplémentaires commandés, qui portent le total des achats d’Emirates à 178 A3BO, soit la moitié du total des ventes réalisées dans le monde depuis le lancement du programme, serviront à remplacer progressivement les exemplaires les plus anciens. Emirates a réceptionné ses premiers exemplaires à partir de juillet 2008 et comptait 44 A3BO en flotte à fin 2013.Le 100 exemplaire exploite douze et avait pris à l’époque des options pour huit de plus, jamais concrétisées. A quelques jours de la décision d’Emirates, John Leahy, directeur commercial d’Airbus, avait d’ailleurs reconnu que la compagnie était la seule « sur le marché à être en mesure de prendre un minimum de six avions par an sur une période de huit à dix ans ».En échange, Airbus a donné des gages solides à son plus « gros client ».A la signature de la commande à Dubaï, le 18 janvier dernier, John Leahy a en effet déclaré que « cette nouvelle commande souligne l’engagement d’Airbus à produire l’A380- pendant encore dix ans ». Et ce quel que soit le rebond ou pas de la demande mondiale pour l’A380 pour les dix prochaines années. Une chose est sûre : avec désormais 87 exemplaires à réceptionner, Emirates peut, à elle seule, prolonger la vie du très gros-porteur européen jusqu’en 2030, date à laquelle le trafic mondial aura une nouvelle fois été multiplié par deux. L’exemplaire a été réceptionné le 3 novembre dernier. Les négociations battaient alors leur plein’ avec Airbus sur la concrétisation de cette commande supplémentaire qui était même programmée à l’occasion du Salon de Dubaï.

« Nous maintenons notre engagement envers le programme et travaillerons en collaboration étroite avec Airbus et nos partenaires pour poursuivre l’optimisation de notre produit Airbus A3BO en attendant la livraison de nos 42 appareils commandés restants », avait alors déclaré le cheikh Ahmed bin Saeed al- Maktoum, président d’Emirates. Pour Airbus, cet engagement supplémentaire était crucial pour préparer sereinement et en douceur la baisse de régime industrielle sur le programme. Une baisse de régime qui avait été préparée puisque le nombre de livraisons devait passer à douze en 2018, puis à huit en 2019. Le scénario d’un rythme de six livraisons par an était également dans les cartons afin de prolonger le plus longtemps possible la vie commerciale de l’A380 pour lui donner une chance de convaincre d’autres clients d’en prendre des exemplaires supplémentaires, notamment en Asie et plus précisément en Chine, où l’A380 n’a été commandé qu’à cinq exemplaires par China Southern Airlines, laquelle ne l’exploite pas au maximum de ses capacités et performances. En Europe, British Airways aurait manifesté un intérêt renouvelé.