l Le prototype de drone-taxi du chinois Ehang multiplie les vols de démonstration avec passagers.

l Le drone Vahana d’Airbus n’en est encore qu’à ses balbutiements.

Bruno Trévidic

Le pire cauchemar de l’industrie aéronautique occidentale – être un jour surpassée technologiquement par une des start-up, qui plus est chinoises – , a connu un début de réalisation le 5 février. Pour la première fois dans l’histoire de l’aéronautique, une jeune entreprise chinoise, Ehang, a en effet réussi à battre tous les grands noms occidentaux du secteur, dont le groupe Airbus, en étant le premier à faire voler en conditions réelles et vidéos à l’appui, son prototype de drone avec des passagers à son bord.

Les vidéos du Ehang 184, qui ont fait le buzz sur Internet, montrent l’appareil volant dans différentes conditions, avec ou sans passager, avec apparemment autant d’aisance qu’un petit hélicoptère léger. Mais à la différence d’un hélicoptère léger ou d’un ULM, il s’agit bien d’un drone sans pilote à son bord : le prototype du futur taxi volant qui pourrait sillonner le ciel des grandes métropoles dans un avenir peut-être pas si lointain.

Cette première mondiale est d’autant plus cruelle pour Airbus que le groupe avait lui-même diffusé un communiqué triomphal le 31 janvier, annonçant le premier vol, bien moins spectaculaire, de son prototype de drone de transport de passagers : le Vahana, développé par sa petite filiale de la Silicon Valley, A3 (A-cube). On y apprenait qu’Alpha One avait réussi à voler pendant 53 secondes – pas une de plus – en s’élevant verticalement à 5 mètres. Un premier vol immortalisé par une simple photo, qualifié de « grand accomplissement en matière d’innovation aéronautique », par le chef de projet Zach Lovering, qui n’avait pas encore vu la vidéo d’Ehang.

Comment expliquer un tel décalage ? Chez Airbus, on souligne que le projet Vahana a été lancé il y a seulement deux ans. Le groupe rappelle aussi avoir déjà fait voler un hélicoptère léger sans pilote. Mais le projet chinois n’est pas beaucoup plus vieux. La société Ehang a vu le jour en 2014 à Guangzhou, sur le secteur des petits drones de loisirs (elle commercialise plusieurs modèles de drones grand public et professionnels). Et le projet Ehang 184 n’a vraiment démarré qu’en 2015, après une levée de fonds de42 millions de dollars.

Le drone chinois n’est pas non plus moins ambitieux que celui d’Airbus. Avec ses huit hélices à moteurs électriques sur quatre bras, il peut transporter un passager (ou 100 kg de fret) pour un vol totalement automatisé de 20 à 30 minutes, sur une vingtaine de kilomètres, à une altitude maximale de 300 à 500 mètres et une vitesse maximale de 130 km/h. Soit les mêmes caractéristiques générales que le Vahana d’Airbus. Sauf que ce dernier n’a pas encore fait la preuve de ses capacités. « La vraie difficulté […] n’est pas de faire voler des appareils, mais d’être capable de les intégrer dans l’espace aérien d’une ville, explique-t-on chez Airbus.

Les obstacles sont moins liés à la technologie et au modèle économique [des drones NDLR], qu’à l’intégration de l’espace aérien, l’acceptation par le public et la gestion automatisée du trafic aérien », argumente le groupe.

Reste à savoir qui sera le premier sur le marché. Si Ehang tient la corde et ambitionne de débuter les premiers essais de taxi volant avant la fin de la décennie, l’utilisation de tels engins au-dessus de n’importe quelle zone habitée reste totalement interdite. La généralisation des drones de transport attendra probablement, le temps de valider les critères de sécurité. D’ici là, Airbus aura peut-être rattrapé son retard et d’autres acteurs auront eu le temps de décoller. Des dizaines de projets de drones de transport sont en cours, dont le projet allemand Volocopter, soutenu notamment par le groupe Daimler, qui a déjà décollé dans un hangar, lors d’une conférence de presse d’Intel, en 2017. Ou encore le projet Aurora, récemment racheté par Boeing, qui intéresse Uber.