LES ECHOS – 18/05
Les sous-traitants de l’aéronautique peinent à satisfaire aux exigences de leurs grands clients. – HAMILTON/REA
La moitié des sous-traitants français et allemands de l’aéronautique ne répondraient pas aux attentes des grands avionneurs.
L’industrie aéronautique et spatiale française et européenne serait-elle un géant aux pieds d’argile ? La question peut se poser, à la lecture de plusieurs études récentes, mettant en lumière les faiblesses persistantes de la chaîne de sous-traitants aéronautiques. Malgré les efforts faits par l’ensemble du secteur au cours des dernières années, l’écart continue en effet de se creuser entre les attentes des grands « donneurs d’ordres » – avionneurs et grands équipementiers – et les performances de leurs fournisseurs. Un déficit de compétitivité qui pourrait exclure des appels d’offres, à terme, 50 % des petits sous-traitants français et allemands, selon une étude récente du cabinet de conseil Kea & Parners.
140 entreprises étudiées
Réalisée en partenariat avec leur homologue allemand H & Z, cette étude réalisée auprès de 140 fournisseurs – 74 en France et 66 en Allemagne – établit que 50 % des entreprises étudiées ont un « niveau de maturité insuffisant » pour satisfaire aux exigences de leurs grands clients. Elles n’étaient que 40 % dans cette situation en 2013, date de la première étude. Et seulement 7 % des entreprises étudiées donnent entière satisfaction au regard des 29 critères de compétitivité relatifs à leur offre de produits et services, aux processus support et à l’accès aux marchés.
La concurrence asiatique
« Aujourd’hui, la moitié de ces entreprises ne répondent pas aux attentes, résume François Maisonneuve, coauteur de l’étude. Pour autant, elles ne vont pas disparaître demain. Les besoins actuels en capacité de production et les règles de certification dans l’aéronautique sont tels que les changements de fournisseurs prendront du temps. Mais si elles ne s’adaptent pas, elles risquent de voir leurs clients se tourner vers de nouveaux entrants, principalement en Asie ».
Un quart des PME dans le rouge
A la difficulté de répondre aux exigences toujours en hausse des donneurs d’ordre s’ajoute la fragilité financière de bon nombre de PME du secteur. Selon le bilan 2012-2016 de la Banque de France, 23 % des PME de l’aéronautique sont aujourd’hui déficitaires (15 % en 2012), contre 20,9 % en moyenne tous secteurs industriels confondus. Une situation directement liée aux efforts d’investissement consentis ces dernières années pour pouvoir suivre la montée en cadence des avionneurs, dont la production a plus que doublé sur la période. Mais aussi au morcellement du secteur, encore largement composé de très petites entreprises familiales et artisanales. Seulement 10 % des entreprises aéronautiques françaises comptent plus de 250 salariés et la moitié, moins de 50 salariés.
Un problème de taille
« Beaucoup d’entreprises ont clairement un problème de taille critique, qui rejaillit sur l’ensemble de la chaîne, analyse François Maisonneuve. L’aéronautique est l’un des rares secteurs où des entreprises faisant 50 milliards d’euros de chiffre d’affaires traitent directement avec des entreprises à 50 millions de chiffres d’affaires ».
Mais si la consolidation bat son plein parmi les grands équipementiers, avec des opérations spectaculaires comme le rachat de Zodiac par Safran , les nécessaires regroupements tardent encore à se réaliser à l’autre extrémité de la chaîne, pour des raisons diverses, liées au manque de financement, aux réticences des dirigeants souvent familiaux, mais aussi par manque de disponibilité face aux impératifs du quotidien. Avec le risque de devoir finalement s’y résoudre dans l’urgence, quand le marché se retourne ou que le principal client lâche son fournisseur.