Par Guillaume Lecompte-Boinet  |  27/06/2018, 8:57

Éric Schulz (à gauche), le Chief Commercial Officer d’Airbus, est venu plancher avec son homologue de Boeing, Ihssane Mounir, au Paris Air Forum, le 21 juin 2018 pour la 5e Edition de cet événement organisé par ADP et La Tribune. (Crédits : J3G / La Tribune) Les deux « super » vendeurs d’Airbus et Boeing, Éric Schulz et Ihssane Mounir, se sont affrontés à fleurets mouchetés au Paris Air Forum. Ils sont tombés d’accord sur beaucoup de points, notamment sur l’état actuel du marché.

« Je ne vois aucun retournement de cycle à l’heure actuelle. Le marché est porteur », lance Éric Schulz, Chief Commercial Officer d’Airbus, venu plancher avec son homologue de Boeing Ihssane Mounir, au Paris Air Forum, le 21 juin dernier. Le thème : « Quels avions pour quels marchés ? ». Après avoir connu plusieurs années très positives en termes de ventes, on pouvait légitimement se demander si le marché des avions commerciaux ne va pas se retourner cette année.

« Nous avons beaucoup de campagnes de ventes en cours, dont certaines seront dévoilées au prochain salon aéronautique de Farnborough [du 16 au 22 juillet prochains, Ndlr]. »

« À aujourd’hui, nous avons enregistré 330 commandes fermes contre 200 à la même époque en 2017. Donc 2018 devrait être une bonne année », confirme Ihssane Mounir.

Des « retours de lease très stables »

Même les retours potentiels d’avions vendus il y a quelques années et arrivant en fin de contrat de location ne les inquiètent pas.

« Les ratios entre les commandes d’avions neufs et les retours de lease restent très stables par rapport à il y a 7 ou 8 ans. Une compagnie qui voudrait un A330 en retour de lease aura beaucoup de difficultés à l’obtenir », estime Éric Schulz.

Ihssane Mounir renchérit : « Sur le segment des avions monocouloirs, ces retours des lease nous avantagent car ils nourrissent l’appétit du marché, sachant qu’aujourd’hui, si l’on veut acheter un 737 ou un A320, il faut attendre quatre ans avant d’être livré ».

Problème de riches

Les deux géants de l’aéronautique ont un problème de riches : ils vendent beaucoup d’avions, mais ont du mal à satisfaire la demande en termes de livraisons, leurs taux de production étant encore trop faibles. Cette année, les livraisons cumulées d’Airbus et Boeing devraient dépasser 1.610 avions (+8,7% par rapport aux 1.481 avions livrés en 2017), dont 810-815 appareils pour Boeing et 800 pour Airbus. Et ce, alors qu’ils ont plus de 13.000 avions à construire, dont 75% sont des monocouloirs type A320.

Sur ce marché, les deux constructeurs ont des prévisions à 20 ans un peu différentes : Boeing pense qu’il faudra construire plus de 29.500 appareils d’ici 2037 alors qu’Airbus est plus « conservateur » avec 24.800 avions. Quoi qu’il en soit, le marché des monocouloirs est le segment le plus porteur, notamment sur la zone Asie-Pacifique.

« En Chine, où la classe moyenne va atteindre 600 millions de personnes, le ratio de vol par habitant et par an est de 0,3 alors qu’il atteint 3 vols par an aux États-Unis », rappelle Ihssane Mounir.

La hausse récente du baril de pétrole pourrait-elle cependant pousser les avionneurs à accélérer la sortie d’un successeur de leurs avions stars, l’A320neo et le 737Max ? Sur ce sujet, les deux dirigeants sont d’accords : pour lancer un nouvel avion, il faut apporter une nouvelle rupture technologique, « et s’assurer que l’on peut augmenter les taux de production », remarque Éric Schulz.

Le milieu de gamme, seule pomme de discorde

Au final, le seul point de désaccord entre les deux dirigeants concerne le fameux segment des avions du milieu de gamme (« Middle of the Market »). Airbus propose son A321neo à rayon d’action rallongé jusqu’à 7.400 km avec 240 passagers. « Notre stratégie est de pousser les performances de l’A321 le plus loin possible », note Éric Schulz, en réponse à l’éventualité du lancement d’une version « Xtra » longue distance (XLR) de l’A321neo. Par contre, Boeing songe ouvertement à lancer un appareil bi-couloirs capable de franchir 5.000 miles nautiques (9.260 km) avec une capacité comprise entre 220 et 270 passagers.

« L’idée est de faire voler un avion bi-couloirs avec les coûts d’exploitation d’un monocouloir, mais avec plus de confort offert aux passagers », explique Ihssane Mounir.

Un point sur lequel les deux hommes sont d’accord : le marché des vols long-courrier est de plus en plus fragmenté et segmenté, ce qui, au passage, marginalise les très gros porteurs quadri-moteurs type A380 ou B747-8, au bénéfice des bi-moteurs de taille plus raisonnable.

SOURCE : LA TRIBUNE