Hélène Rey / professeur d’économie à la London Business School Le 28/06 à 09:00

Des pro-européens, en juillet 2016, protestent à Londres contre le Brexit. – Ray Tang/Shutterstock/SIPA

Les citoyens britanniques prennent conscience, peu à peu, des bienfaits de l’Europe maintenant que plusieurs catastrophes menacent de les frapper.

C’est quand on essaie de détricoter l’Europe que l’on se rend compte combien elle est importante et stabilisante dans notre vie quotidienne. C’est certainement l’expérience que sont en train de vivre les Britanniques depuis quelques mois.

Alors que les négociations s’enlisent en raison du manque d’accord au sein même du gouvernement de Whitehall sur la marche à suivre, alors que l’économie tangue, les citoyens comprennent qu’un nombre croissant de problèmes les attendent en raison de leur décision de quitter l’Union européenne.

Loin d’encaisser un « dividende » dû au Brexit, comme l’avaient faussement annoncé les Brexiters, le ralentissement économique le rend très coûteux, comme l’avaient, en revanche, annoncé les experts économiques tant décriés à l’époque.

Désillusions en série

Il est maintenant admis que le Brexit affaiblira les finances publiques de 15 milliards de livres par an. Ainsi, tout plan visant à améliorer le système de santé (le NHS), au centre des préoccupations des citoyens britanniques, devra être financé par l’impôt ou la dette, contrairement aux fanfaronnades de campagne électorale en faveur du Brexit qui affirmait vouloir reverser l’argent des contributions Britanniques à l’UE au NHS.

De plus le système est affaibli par les restrictions sur la politique migratoire mise en place par le gouvernement de Theresa May qui conduisent au départ de nombre de docteurs et d’infirmières et au refus de visas pour de nouveaux arrivants.

Récemment, Airbus a menacé de partir en cas de Brexit dur, ce qui menacerait une grande partie des 300.000 emplois que compte l’industrie aérospatiale du pays. BMW, Siemens, les entreprises japonaises présentes au Royaume-Uni ont toutes exprimé leur malaise. La réponse peu polie de Boris Johnson, le ministre des Affaire étrangères (« f… k business ») ne rassurera sans doute pas les employés de ces entreprises.

Le problème presque insoluble de la frontière de l’Irlande du Nord, les conditions de la participation britannique au projet stratégique Galileo (système de positionnement par satellites), le financement européen de projets de recherche, les futures relations en matière de défense entre le Royaume-Uni et l’UE sont autant d’exemples de catastrophes potentielles qui n’avaient pas du tout été envisagées par les Brexiters mais qui sont de première importance.

Le secteur bancaire menacé

A ces difficultés qui s’amoncellent il convient d’ajouter les récents avertissements de l’Autorité bancaire européenne qui a déclaré que la gestion du risque du Brexit par le secteur bancaire était inadaptée. L’Autorité a soulevé la possibilité d’augmenter les charges en capital pour les actifs britanniques après le Brexit, ce qui conduirait probablement à plus de relocalisations d’activités financières en dehors du Royaume-Uni.

L’autorité bancaire européenne ou l’épicentre du Brexit

Il semble que, ou que l’on se tourne, l’importance de l’UE, des normes et des lois européennes soient omniprésentes pour le fonctionnement de nos économies et sociétés. Peut-être nous en rendons-nous davantage compte quand il est proposé de les supprimer. Le Brexit agit donc comme un révélateur de l’importance de l’Europe dans nos vies. C’est probablement pour cela que des centaines de milliers de personnes ont défilé dans Londres avec des drapeaux européens, le 23 juin, pour demander la possibilité de reconsidérer le Brexit.

Hélène Rey est professeure à la London Business SchoolSource, a également mis en garde quant au devenir des contrats financiers (en particulier les 29.000 milliards de livres de produits dérivés) que le Brexit pourrait affecter et elle a demandé aux régulateurs de scruter davantage la dépendance des acteurs financiers vis-à-vis des chambres de compensation basées à Londres. La Banque d’Angleterre, en retour, a critiqué le manque d’initiative de l’UE pour assurer la continuité des contrats et des transactions pendant une période de transition alors que des dispositions législatives ont été prises du côté anglais.

Il semble que, ou que l’on se tourne, l’importance de l’UE, des normes et des lois européennes soient omniprésentes pour le fonctionnement de nos économies et sociétés. Peut-être nous en rendons-nous davantage compte quand il est proposé de les supprimer. Le Brexit agit donc comme un révélateur de l’importance de l’Europe dans nos vies. C’est probablement pour cela que des centaines de milliers de personnes ont défilé dans Londres avec des drapeaux européens, le 23 juin, pour demander la possibilité de reconsidérer le Brexit.

Hélène Rey est professeure à la London Business School

Source : LES ECHOS