OUEST France – Thierry Hameau – Publié le 08/10/2018 à 03h57

Des tronçons d’avions Airbus assemblés à Saint-Nazaire traverseront l’Atlantique tractés par une aile de kite.

Le navire assure déjà une rotation mensuelle entre Saint-Nazaire et les États-Unis. En 2020, un cerf-volant automatique de 35 m de large réduira sa consommation de 20 %.

Le vent de l’Atlantique Nord intéresse beaucoup les transporteurs ! Comme la compagnie Neoline qui projette d’ouvrir une ligne de fret à la voile en 2020, l’avionneur européen Airbus va équiper son premier navire avec une aile géante de kitesurf dans deux ans.

« Le dispositif est entièrement automatique, explique Vincent Bernatets, ancien d’Airbus et patron d’Airseas, la start-up toulousaine qui a mis au point le système. Le capitaine aura un simple bouton on/off qui déclenchera le déploiement ou le retour de cette voile de 35 m de large. »

Concrètement, l’aile repliée comme un spi de voilier sera étirée sur un mât de 30 m à l’avant du navire où elle sera gonflée, puis relâchée au bout d’un câble de 400 m, incliné naturellement à 30 %. « Comme avec les bons kitesurfeurs le long des plages, la voile fera des trajectoires en forme de huit, ce qui générera une traction très importante».

Jusqu’à 100 % de la propulsion

La consommation moyenne de ce navire hybride chutera alors de 20 % sur une traversée de l’Atlantique. « Si les conditions sont bonnes, la voile pourra parfois assurer 100 % de la propulsion », estime même Vincent Bernatets.

Airbus, qui est partenaire et premier client d’Airseas, croit fermement au projet. « Le concept va nous permettre de faire des économies, de réduire nos émissions de CO2 sans mettre en danger nos opérations », poursuit Benoit Lemonnier, vice-président logistique et transport pour Airbus.

L’avionneur qui assemble des A320 dans son usine de Mobile aux États-Unis, a ouvert une liaison mensuelle entre Saint-Nazaire et l’Alabama au printemps. Un cargo classique achemine là-bas des morceaux de fuselages, ailes ou empennages qui composeront quatre avions.

« Ce qui nous intéresse, c’est que la solution est transparente pour l’équipage du navire, automatisée et très simple d’utilisation. On veut que la rotation fonctionne comme un coucou suisse. »

Le projet Airseas s’est fait en partenariat avec Airbus, et ce n’est pas un hasard. L’avionneur dispose d’un savoir-faire exceptionnel en aéronautique et en automatisation. « Nous avons pu l’appliquer à une autre sorte d’aile qui, cette fois, est souple », complète Vincent Bernatets.

Cette aile nommée Seawing supporte jusqu’à 40 nœuds de vent (75 km/h), ce qui est plus que les éoliennes par exemple. « Le calculateur peut aussi anticiper l’arrivée de rafales pour délester la voile et éviter qu’elle ne se déchire. » Le routage optimal est assuré par un logiciel dont l’objectif est d’arriver dans des délais précis. Le coût total du projet est de 15 millions d’euros, financé pour moitié par l’Ademe.

Cette nouvelle propulsion arrive à point nommé pour l’avionneur. Le fuel représente 50 à 60 % du coût pour une compagnie maritime et son prix ne cesse d’augmenter. Autre contrainte, l’Organisation maritime internationale va imposer, à partir de 2020, des fuels plus propres donc plus chers. L’autre sujet est l’empreinte carbone que les navires devront aussi réduire de 40 % d’ici à 2030.

« Airbus est notre partenaire initial mais nous pourrons appliquer cette technologie sur quasiment tous les navires, termine le dirigeant d’Airseas. Nous discutons déjà avec des armateurs pour des porte-conteneurs, des vraquiers, des tankers et même des ferries. » Avec des retours sur investissements en trois à cinq ans.

Sur la ligne transatlantique au départ de Saint-Nazaire, on sait déjà que c’est le navire roulier Ville de Bordeaux qui sera équipé du nouveau dispositif. Un bateau qui assure pour l’instant la liaison entre Saint-Nazaire et Hambourg (Allemagne). Les tests ont commencé.